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Quand Shéhérazade se prend pour un narval (une licorne de mer):


Dés l'entrée dans la baie, on s'apercevait des changements. Les défenses sur les promontoires de chaque coté étaient encore en bambou. Mais six canons et deux bombardes, judicieusement disposées, dissuadaient n'importe quel navire d'approcher; sans y avoir été invité.
Un sémaphore à hunier, placé au point le plus haut du site sentait la marque de fabrique de Bush. On vit monter les couleurs en tête de mât. Le drapeau Français, et celui de Zanzibar: Deux triangles vert et bleu, un croissant de lune et une étoile noire au centre.
Le troisième bleu et rouge avec une jonque au milieu et une légende, dans laquelle on retrouvait l'esprit de Dargenton: « Fluctuat nec mergitur ». On eut droit plus tard à une traduction intelligente de la part du bon docteur. « Certains ont pu traduire 'Il flotte mais ne sombre pas' » « Ce qui en soit, est une évidence, si il flotte, il ne sombre pas' mais alors pourquoi 'Nec' et pas plutôt 'Et'? » « Tout simplement parce que fluctuat, veut dire aussi être battu par les flots, être dans la tempête, subir les assauts des vagues »
C'est pourquoi Dargenson proposait comme traduction « Même dans la tempête il ne sombre pas » ce qui était une belle devise pour les forbans.


- Proposition de drapeau pour la Cie des Forbans

Tout le monde, était réuni sur la plage, pour accueillir le Sloughi. Grâce à son faible tirant d'eau, il put s'approcher assez prés du rivage. On se criait des phrases de bienvenue. Tout ce bruit, et la proximité de la terre, rendait les chevaux nerveux. Les responsables, préférèrent les sortir de leur boxes, pour qu'ils ne se blessent pas en bottant. Le Sloughi évitait sur son ancre la proue vers la plage, à la poupe on s'affairait sur les bossoirs. C'est alors que Shéhérazade, prit d'un coup de folie, se mis à ruer et à se dresser sur ses jambes arrières, envoyant bouler son lad. Elle partit comme une flèche, dans un court galop et sauta au dessus du pavois, dans la mer. Ce que voyant les autres chevaux, suivirent son exemple. Et Leo et Jack aussi.
A la plage, les filles furent les premières à se rendre compte qu'il se passait quelque chose d'anormal. Elles prirent le temps d'enlever leurs bottes et leur gilet de cuir avant de plonger. Lea, meilleure nageuse que Serena arriva la premiére vers Shéhérazad, qui respirait fort et roulait des yeux blancs. Elle s'accrocha à sa crinière et lui parla doucement comme on calme un nourrisson. Elle eut même le temps de monter sur son dos, avant que les jambes du cheval ne touche le fond de sable. Là, Shéhérazade s'arrêta, tourna légèrement la tête, les oreilles dirigées vers cette voix de femme aux sonorités nouvelles pour elle.
Lea: « Es tu étonnée d'entendre parler français?... C'est moins guttural que l'arabe. Ou simplement aucune femme de ton pays de machos, ne t'as jamais adressé la parole?.
Lea descendit dans l'eau, pris la tête de la jument et lui posa un baiser sur le museau. Shéhérazade, reniflait son odeur, sans doute très différente de celles des lads. Lea lui tourna intentionnellement le dos et marcha vers la plage, où tous les spectateurs retenaient leur souffle. La jument n'avait pas bougé, elle avait été rejointe par les autres chevaux. Serena flattait l'encolure de l'autre jument 'El Borak'. Et baissant la tête, comme si elle s'était résignée à son sort de jument soumise. Elle se dirigea vers Lea, qui ne s'était pas retournée mais entendait le bruit des pas des chevaux dans l'eau. Quand elle fut assez prêt, elle approcha ses naseaux du cou de Lea et lui souffla doucement dans les cheveux. Lea se retourna, lui mis un autre baiser sur le museau, attrapa sa crinière et sauta sur son dos. Elle se tourna vers Serena : « Que dirais tu d'un petit galop sur la plage pour se sécher? Avec nos chemises mouillées, ces messieurs n'en perdent pas une miette. » « Serena, tu as raison, partons avant qu'ils aient une crise cardiaque » Et suivi par les deux autres chevaux, elles partir au triple galop
Ni l'une ni l'autre n'avait jusqu'alors galopé aussi vite. Elle firent demi tour et firent le retour au pas.

- La jument Shéhérazad.
Leo et Jack les attendaient, un peu jaloux de la complicité qui s'était instaurée entre les quatre filles. Ils attendirent sans bouger pour voir si les étalons allaient venir vers eux. Bucéphale choisit Jack, et Simoun Leo. Ils se hissèrent sur leur dos, et ce fut une nouvelle cavalcade le long des vagues. Quand ils remirent les chevaux au pas, Leo les informa du projet de la grande fête prévue par Jean-Baptiste Queau de Quincy.

- Le mâle Bucéphale
El Borak et Simoun.

Leo :  « La date de la fête est fixée dans un mois. On est prié d'avoir des idées d'animation. Pour moi une course de chevaux s'impose » « Peut-être un parcours d'obstacles, si on trouve de bons sauteurs dans les chevaux d'Afrique du sud. Au fait où sont-ils? »
Serena, « On en a entravé quelques uns. Les étalons surtout; les autres sont groupés autour d'eux dans une prairie à peu de distance d'ici. Ils sont calmes et très dociles, ils ont été habitués à travailler avec les cavaliers. Il faut rapidement trouver un bourrelier parce que nous allons manquer de selles. »
Jack: « Et également des cavaliers, si vous voulez entrainer les chevaux pour la fête. Je vous conseil d'aller vers les officiers anglais, ils sont généralement de bons cavaliers.»
Pendant ce temps, la chaloupe avait amené Jhamshid à la plage. Bush présenta Dargenson à Jhamshid en latin. Les deux hommes étaient aussi différents l'un de l'autre qu'il était possible. Et pourtant ils avaient quelque chose en commun dans le regard. Leurs yeux certes avaient cette profondeur que seul ont les esprits curieux; mais avec en plus une étincelle de malice qui compensait le côté trop sérieux. On avait deux rebelles en face l'un de l'autre, capables de faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux. Ils s'étaient reconnus, comme des doubles psychologiques, avant seulement de s'être parlé. Ils s'étaient fait un clin d'oeil, c'était le code, et tant pis pour les non initiés.
Dargenson avait fait une découverte qu'il voulait faire partager à Jhamshid. Dargenson avait appris d'Hodoul, que Pralin, avait déjà été occupé dans le passé. il y avait 25 ans du temps ou Patrick poivre avait tenu la destinée agricole des Mascareignes en son pouvoir. Un botaniste avait créé un jardin des simples à Pralin, et Dargenson, avait retrouvé des vestiges. On ne sait pas de quoi ces deux là se nourrirent, pendant toute la journée, mais ils disparurent, pour ne réapparaitre que le soir, fourbus mais ravis.
Les bâtiments déjà construits étaient de type utilitaires, les cases pour les ouvriers n'étaient guère confortables; nos deux botanistes regagnèrent le Sloughi III. De la même façon que le reste de l'équipe , qui se répartit sur les bateaux à l'ancre, pour passer la nuit.


Quand un chantier naval fabrique des farces et attrapes:

Le lendemain fut un grand jour, qui vit le retour de William Brown, et legars avec trois jonques.
Une d'elle était partie avec eux; les deux autres, avaient été construites par les chantiers Kent à Grand baie.
Mahaleo revenait à la barre de l'une d'elle.

- Les deux premières jonques de guerre fabriquées par Mahaleo.
Passons sur le plaisir des retrouvailles, aussi sincères que bruyantes. Les deux nouvelles jonques avaient de quoi exciter la curiosité de nos marins.
Mahaleo expliqua que « la première; portait en chinois le nom 'zi mu chuan', à savoir jonque mère-enfant. Elle mesurait plus de 60 mètres de long. Elle était en fait constituer de deux jonques. La mère et l'enfant. La petite jonque, l'enfant, s'emboitait dans la poupe de la mère. La partie avant de la mère, était un brulot. On attaquait le navire ennemi de préférence par l'arrière, ce qui était possible grâce à la vélocité de la jonque. On lançait des grappins, pour accrocher le brulot, on allumait les mèches; et on se sauvait sur la jonque enfant avant que tout saute. »
Bush et Hodoul était pliés en deux de rire:  « Voilà qui va simplifier le voyage du retour si on détruit toutes nos prises, sans compter que ça va nous couter un bateau à chaque fois » « Et qui a eu cette idée brillante? Toi ou Kent »
« C'est Kent » répondit Mahaleo « Il a trouvé les schémas et les descriptions dans un vieux traité maritime chinois »
- Jonques auxquelles on avait échapper. Propulsées par des roues à aube.
Bush: « Ton traité maritime chinois,ce n'était pas plutôt une traduction des contes des mille et une nuits? » « Et l'autre c'est quoi une jonque pour jumeaux? »
Mahaleo: « Presque, c'est une 'yuan yang jiang chuan', ou 'jonque canard mandarin' » « Au départ l'idée était de relier deux navires, qui se sépareraient en face de l'ennemi, pour le surprendre par un abordage des deux cotés en même temps »
- Jonque Canard Mandarin : Lune des deux porte un château blindé.
A ce stade des explications de Mahaleo, on cru qu'on allait perdre la moitié de l'assistance, par asphyxie, car le fou rire général, empêchait certains de reprendre leur souffle. Heureusement que Mahaleo, un peu vexé s'écria:
Mahaleo: « Mais telle que je l'ai construite, elle dépasse les 20 noeuds aux allures portantes » « Oui peut être même 25 noeuds, mais personne n'a jamais voulu m'accompagner pour mesurer »
Il avait l'air tellement sérieux, et si malheureux, que les rires s'arrêtèrent immédiatement.
Bush: « Tu dit que ton canard boiteux, file à plus du double de vitesse, que la meilleure des frégates »
Mahaleo: « D'abord c'est pas 'canard boiteux', mais 'canard mandarin', et si vous ne me croyez pas, venez faire un tour avec moi !»
Bush: «« D'accord à combien on peut monter dans ton engin »
Mahaleo: « Je ne suis pas certain, mais disons à quatre » « Quatre bons nageurs, car je ne l'ai pas encore essayé à pleine vitesse »
On décida que Leo, Bush et Hodoul, tous excellents nageurs, iraient avec Mahaleo. On s'installa à deux dans une coque leo et Mahaleo d'un coté et Bush et Hodoul de l'autre.
Dés le départ, on senti que l'engin était très stable, le vent dans la baie, était moins fort qu'au large, mais grâce à son immense voile lattée, il ne lui fallu que peu de temps pour accélérer, on sortait vent arrière. Mahaleo avait reprit le principe du safran du dorna, et avait astucieusement relié les deux gouvernails des deux coques. Bush et Hodoul, n'avaient rien d'autre à faire, qu'a recevoir des paquets d'embruns, dés qu'on arriva hors de la baie.
Mahaleo remonta un peu au vent et demanda à Leo de l'aider à border plus la voile et de tenir la barre franche avec lui car le'Canard Mandarin' dépassait maintenant les dix noueds. L'impression de vitesse était décuplé par le fait, qu'on se trouvait au ras de l'eau. Mahaleo, décida de faire un virement de bord, en remontant au vent, il mit brutalement la barre à virer, et demanda à Leo de lâcher l'écoute de voile. Le bateau sembla hésiter on cru qu'il ferait chapelle; la voile fasseilla à grand bruit, il cula un peu mais leo borda l'écoute de l'autre côté, et le bateau fit une embardée sur le bord opposé. Leo du lâcher un peu l'écoute et Mahaleo abattre un peu, car ils étaient moins lourds que Bush et Hodoul et leur coque ne touchait plus l'eau. Sur ce bord le bateau était plus à l'aise. Il prit une vitesse terrifiante, le seul danger semblait venir de cette fâcheuse tendance à vouloir lever une coque. Les conditions de vent assez faible, les autorisa à faire un virement lof pour lof ce que Mahaleo ne se serait pas permit, sans l'aide de Leo. La manoeuvre était plus facile à exécuter et se passa relativement bien, grâce à la dextérité de Leo au moment du changement d'écoute. On tira un bord vers l'entrée de la baie , puis en louvoyant on ramena 'Le canard Mandarin' à la plage. Les deux safrans étaient facilement démontables, on échoua les deux coques sur le sable.
Personne n'avait plus envie de se moquer de Mahaleo. Bush et Hodoul inspectèrent l'engin sous toutes les coutures. Il y avait des astuces un peu partout pour qui s'y connaissait en architecture marine. Entre autre trouvaille, Mahaleo avait lu dans un ouvrage ancien que: « Quand les jonques passent aux réparations, une fois par an, on les renforce par une nouvelle épaisseur de planches. Les nouvelles bordures, bien rabotées et bien enduites, sont fixées à la première enveloppe de la même manière que celles-ci fut jointe et assemblée. Et ce jusqu'à ce que la paroie ait six épaisseurs de planches.» « Cette technique était plus rapide que celle qui consistait à retirer les parties usées, pour ajuster des morceaux neufs. En vieillissant la coque perdait la cohérence qu'elle présentait lors de sa construction. Cela pouvait créer des distorsions qui pourraient s'avérer fatales, au cours d'une tempête par exemple. Les jonques avaient des compartimentations étanches et l'usage des bambou entiers, au niveau du pont, les rendaient insubmersibles. Les idées novatrices de Mahaleo, lui acquirent bien vite le respect des marins. Si l'idée de la jonque brulot n'avait pas l'air d'enthousiasmer les foules; la jonque à deux coques était une invention promue à un grand avenir (dixit Hodoul) Bush fit tout de même remarquer, que si on oubliait le principe du brulot; deux jonques emboitées l'une dans l'autre pouvait s'avérer intéressantes dans certaines circonstances.

Lea se dit qu'on tenait là, une autre animation pour la fête:
Un charpentier de marine anglais vint trouver Mahaleo, pour lui parler des embarcations qu'il avait vu en Polynésie, pirogues à balancier, praho. Il avait vu en inde chez les tamouls des 'Catamaran'. Le mot catamaran proviendrait de kattuamaran (katta: lien et maram: bois en Tamoul).
- Une pirogue avec deux balanciers.
Mahaleo avait déjà en tête un esquif avec une coque au mileu et deux coques plus fines de chaque coté, servant de balancier sur un bord ou sur l'autre. Dans la pratique, il avait constaté sur le 'canard mandarin' que le fait qu'une coque se soulève, freinait l'engin. Donc les solutions auxquelles il pensait consistaient à supprimer ce défaut. Il demanda de la main d'oeuvre à Bush, pour fabriquer en quatre semaines son nouveau trois coques.
En fait il était en train de réinventer le trimaran. (Le catamaran est apparu il y a plusieurs milliers d'années sur la côte du Coromandel (Inde); il s'agissait d'un radeau fait de trois troncs de longueurs inégales. Son nom est dérivé du tamoul katta (attacher, lier) et maram (tronc d'arbre).
(Chère lectrice, j'espère que vous partagez la passion de Mahaleo pour la course à la voile. Si ce n'était pas le cas, d'autres divertissements vous attendent.)
Les nouvelles allaient vite à cette époque dans les Mascareignes. On ne sait comment était arrivée la nouvelle de la razzia sur le Cap, mais elle avait fait grand bruit. Dans les semaines qui suivirent, on vit arriver toute l'aristocratie des corsaires à Pralin. Dont Dutertre, celui qui était aussi célèbre que Surcouf pour ses exploits, Lemène, Pierre-François-Etienne Bouvet de Maisonneuve, Montaudevert. Pour ne citer qu'eux. Ces messieurs resteraient pour la fête, c'est même pour ça qu'ils étaient venus.
Bien sur, ils avaient tous besoin de faire gratter la carène de leur bateau en urgence. La maindoeuvre ne manquait pas et tous souhaitez participer à la grande régate. Leo du faire les honneurs du 'Takamaka' en promenant ces messieurs. Les difficultés rencontrées dans les virements de bord, furent résolus par l'adjonction d'un petit foc. Un petit beaupré, avec une drisse frappée en tête de mât et une voile triangulaire, coulissant sur la drisse et le tour était joué. Certe il fallait être deux pour s'occuper de cette voile supplémentaire, mais le 'Takamaka' gagna encore quelques noeuds en vitesse pure.
Les comptoirs 'Fouché et Forbans' firent des affaires juteuses. Ces messieurs étaient très riches et manquaient de tout. François qui avait ramené une cargaison de vin du Cap, vit sa réserve pillée en un clin d'oeil. Il envoya deux boutres pour refaire le plein à Simons bay. Le rhum aussi, se vendait bien, surtout celui parfumé avec de la vanille de l'ile de la Réunion. L'idée venait de Dargenson. Pour préparer certaines potions, il avait fait macérer divers épices dans du rhum additionné de sirop de canne. Il avait baptisé ses mixtures 'Rhums arrangés', et il faut reconnaître que ça vous arranger son homme en deux ou trois petits verres. Ainsi le bon docteur, réalisait-il des miracles. Ses 'Rhums arrangés' étaient tous additionnés de sucre. Ils étaient facile à boire, et si la vanille, la cannelle, la muscade, ne soignait pas le mal; le patient était rapidement dans un état euphorique qui aider à la guérison.
Le bon docteur avait aussi de vrai remèdes. En général on les reconnaissaient parce qu'ils avaient mauvais goût. Quand Bush demandait si c'était normal que ce soit aussi mauvais. Dargenson lui expliquait, qu'il rajoutait exprès des goûts très amères ou très acres, parce que dans la croyance populaire, un bon médicament, doit être mauvais à boire. Il est de fait, que le patient qui boit en se pinçant le nez, la décoction répugnante, trouve le temps long, et cela fait du bien quand ça s'arrête. Avant même que la potion n'ait fait de l'effet, dès la derniére goutte avalée, le malade ressent un soulagement; un peu comme un début de guérison.
Dans le même ordre d'idée, Jhamshid avait démontré l'effet du clou de girofle sur le mal de dent. Il est vrai que le mal de dent, de ventre, et de tête étaient les maladies les plus courantes chez les marins. Pour les dents; à part les africains, qui semblaient épargnés par ce fléau, tout le monde souffrait des dents.
La panacée universelle, c'était la ' Jhamshid Potion' 'Rhum et clou de girofle'.
Radical. Le patient, qui arrivait avec la joue gonflée, l'oeil larmoillant et la diction pâteuse. Après eux grandes gorgées de potion, repartait avec la joue gonflée, l'oeil vif et la mâchoire anesthésiée pour un temps. Ceux dont le mal ne pouvaient être traité que par la chirurgie, recevaient la même potion qu'ils devaient garder en bouche un certain temps avant l'opération.
Pour les maux de ventre et de tête, la recette était plus simple une petite cuillère de sucre, un volume de rhum, une rondelle de citron vert, trois fois par jour, pendant trois jours. Si le mal persistait, doubler la dose, trois jours de plus. Certains préféraient ne pas interrompre le traitement, par précaution. Mais ils se plaignaient alors de problèmes de locomotion. Il y en a qui ne sont jamais contents; ce sont des hypocondriaques ou punchés.
Dargenson ne trouva aucun remède pour soigner, la démarche titubante, de ceux qu'on appelés les punchés. 'Punch vient' de 'Panch' qui veut dire cinq en Indi. Les punchés étaient ceux qui étaient tellement imbibés de rhum, qu'ils n'arrivaient à faire qu'un seul pas en avant sur cinq. Il est de fait qu'un marin ivre, à tendance à se croire sur le pont d'un bateau, donc il fait un pas à gauche, perd l'équilibre, en fait un à droite pour le retrouver. Mais il sent à nouveau le roulis, qu'il combat par un coup à gauche et un à droite, et se décide enfin à faire un pas en avant. En comptant bien, il faut cinq pas pour en faire un bon. Cette explication n'engage que le docteur Dargenson et tous ceux qui l'on connus.
« Ma chère lectrice, je vois d'ici une lueure de reproche dans votre regard » « J'interprète que je vous ai déçu, par la liberté que je prends parfois avec la vérité. Je ne voudrait pas que nous soyons fâchés pour si peu. Mettez sur le compte de la taquinerie, ou de la licence littéraire, mes égarements; qui je le vois bien vous font sourire parfois »
Pendant que certains, fourbissent leur bateaux, d'autres entrainent les chevaux au saut d'obstacles.
Leo et mahaleo terminaient le premier bateau à trois coques le 'Tri Catamaran' qui par déformation devait donner plus tard 'Trimaran'. Donc on le baptisa 'Takamaka III' et surtout on commença les essais.
Dans la première version, les petites coques de chaque coté, touchaient l'eau à l'arrêt. Leo s'aperçut, qu'avec son poids en plus sur la coque qui avait tendance à se soulever, il compensait la gite et permettait au barreur de gagner de la vitesse. L'amélioration qui consista à laisser les coques hors de l'eau avec des dérives fixes trempant dans l'eau, améliora la vitesse d'une façon appréciable.
Les matelots avaient proposé, des jeux, comme le lancé de boulet, les deux pieds fixes, vers une quille. Jeu qui avait un grand succès à bord des bateaux français.
Outa proposa le lancer de fer à cheval, vers un bâton, ou de tomahawk vers une cible. Les gabiers ayant l'habitude de tirer sur les cables, proposèrent, d'opposer deux équipes au tir à la corde. Les idées étaient tellement nombreuses que la fête dura trois jours, et personne ne s'ennuya. Il y eut des sommes considérables engagées dans les paris, et pas seulement pour les courses. Dès que deux corsaires, regardaient des concurrents s'affronter, chacun pariait sur son champion, aussi bien pour la lutte, que pour les combats de coqs, ou de mangouste contre un serpent.
Les deux événements clefs furent la course de chevaux et celle de bateaux. Ce fut un tel succès qu'il y en eut une, et même deux, par jour.
Pour les chevaux, on du faire deux catégories, les super-champions et les autres;
Dans les super-champions, se trouvaient les quatre pur sang arabe, Lea sur Shéhérasade, rafla tous les prix, et Leo qui à chaque fois avait parié gros sur elle, fit une petite fortune. Les courses d'obstacles intéressèrent un grand public de connaisseurs et les chevaux qui y participaient furent tous vendus. Cette passion pour les paris sur les courses de chevaux, gagna toutes les Mascareignes et certains n'hésitèrent pas à aller concourir sur d'autres iles.
De la même façon, il y eut la régate des super-rapides, dans laquelle on trouva les deux jonques, des yoles de Bantry, les deux 'Takamaka'; et les autres. Dans la catégorie des autres, les sommes pariées atteignirent des sommets. Dans les courses des super-rapides, le champion incontesté, fut le 'Takamaka III' et son équipage.
Leo laissa la totalité du prix à Mahaleo, se contentant des paris qu'il avait gagnés. Quand il demanda à Mahaleo ce qu'il souhaitait faire de cette somme, le petit génie lui répondit, qu'il voulait avoir son propre atelier de construction. Leo lui offrit une association 50/50, à condition de ne pas accepter de commandes traditionnelles et de ne faire que de la recherche et des améliorations. Sur ce, arriva Dargenson qui entendant la conversation, leur apprit que Jhamshid et lui avaient acquit une crique très abritée avec une jolie plage de sable, qu'ils avaient l'intention d'y échouer le Sloughi III et d'en faire leur maison à terre. Si mahaleo voulait construire son chantier à coté il n'y voyait pas d'inconvénient.
Les idées nouvelles, germaient dans la tête de Mahaleo, aussi vite que pousse le bambou au printemps. Il leur demanda une heure pour proposer, un aménagement de la crique.
Une heure après, il avait dessiné une structure complète, intégrant deux baggalas, enfoncés dans la plage par la poupe. Reliés par un planché de 100 mètres de long par 50 de large prenant appui sur les ponts des deux bateaux. Les poupes solidement amarrées par des câbles et des poulies aux arbres les plus solides. Un très haut hangar de 100 mètres par 100, prolongeait le total à l'intérieur de la rive. On imaginait très bien la construction d'une coque, qui si elle était très haute, nécessiterait de démonter le plancher reliant les deux bateaux pour la laisser passer. Des escaliers avaient été prévus pour descendre à la plage, la grande terrasse entre les Baggalas, pourrait recevoir des aménagements divers, comme un séchoir pour plantes médicinales, ou un atelier de dessins. Jhamshid aimait peindre et créer des bijoux et demanda si on pouvait lui ménager un petit coin à lui.
Maintenant il n'y avait plus qu'a trouver un nom à cette idée.' Artémise et Apollon' jumeaux protecteurs de arts, semblaient tout désignés, pour appeler leur protection sur ce projet.
La fête battait son plein, lorsque deux bonnes nouvelles arrivèrent en même temps, pour ajouter à la liesse populaire. L'une était le débarquement des troupes de Bonaparte en Egypte. L'autre était l'arrivée de la 'Superbe' suivi de deux boutres.
Bien que d'importance inégale, les deux événements allaient être liés par l'histoire.
Bush à Hodoul : « Cette fois ci, il y a urgence à créer une flotte française en mer rouge. »
Hodoul:  « il faut mettre le sultanat d'Oman de notre côté ou le neutraliser » « On devrait profiter de ce rassemblement pour voir, qui serait prêt à nous suivre dans cette aventure.»
Bush: « Tu as raison, commence donc par les nouveaux, je vais aller acceuillir Ali; »

Ali débarqua un peu avant une course très attendue, dans laquelle étaient engagés les quatre purs sang arabes, montés par Lea, Serena, Leo et Jack.
Bush: « Salam aleikoum, Ali !, Que la paix soit avec toi »
Ali: « Aleikoum Salam, Bush ! Avec toi également » « Je crois que j'arrive à temps, j'aurais regretté de ne pas participer à ces réjouissance » « Qu'est ce que vous fêtez? »
Bush: « Le plaisir d'être en vie, entouré d'amis » « Si tu veux voir tes chevaux courir dépêchons nous ! »
Ali: « Ce ne sont plus mes chevaux, mais ceux de ta soeur, aurais tu oublié? »
Ils se dirigèrent vers la tribune d'honneur. Le départ allait être donné à un groupe de dix chevaux. Il n'y avait que deux filles jockey, tous les autres étaient des hommes, plutôt de petites tailles, sauf Jack et Leo. Ali reconnu les purs sang du premier coup d'oeil, les filles montaient les deux juments, il hésita un moment entre Serena et Lea, mais il ne se trompa pas.
Ali à Bush: « C'est ta soeur qui monte Shéhérazade, n'est ce pas? »
Bush: « Oui c'est elle qui l'a choisie, enfin elles se sont choisies l'une l'autre »
Ali: « Elle doit lui parler, je vois les oreilles de la jument, dirigées vers sa cavalière » Il se parlait à lui même, ne se rendant pas compte qu'il le faisait à haute voix « Tu ne dois pas l'enfermer dans le peloton, elle risque de se soumettre à la loi des étalons » « Une course d'attente, avec une remontée à l'extérieur, le tout est de juger le bon moment »
Le juge tira un coup de pistolet pour lancer les chevaux sur une distance de trois kilomètres. Le départ se faisait en ligne, la piste était toute droite, les deux garçons misèrent sur la résistance des étalons, et prirent tout de suite la tête, avec une longueur d'avance.
Ali: « Oui, c'est bien, les deux juments, suivent sans effort apparent » « Les filles ont des selles anglaises, elles ont raccourcis les étriers de façon à faire porter leur poids juste sur l'encolure, c'est très habile mais elles ne pourront pas guider avec les genoux, ni se servir de leurs talons »
Bush s'amusait de voir Ali aussi enthousiaste.
Ali: « Voilà la moitié du parcours, tu peux lui lâcher la bride, maintenant »  « Maintenant! » « Mais elle la retient trop, elle n 'a rien pour lui donner les ordres! » « Elle attend trop!, elle attends trop! » « Il ne reste qu'un tiers du parcours et les étalons sont à trois longueurs d'avance! Elle n'y arrivera pas! »
C'est alors que Lea, frappa sèchement l'encolure de la jument. Celle ci allongea sa foulée et accéléra son rythme. Avec la distance, on eut l'impression que les autres chevaux faisaient du sur place.
Cette cavale toute blanche, montée par une femme habillé de blanc était la seule en mouvement, on ne voyait qu'elle. Elle ne voyait que les deux étalons à une longueur devant.
Lea sentit quelle devait imposer sa volonté à la jument, sinon elle resterait derrière les mâles. Elle se pencha encore plus sur l'avant et l'encouragea de la voix  « Oui ma belle vas y... ma belle, ...yah!... Yah!... Yah! » Shéhérazade puisant dans ce qui lui restait de courage augmenta brusquement son rythme au delà de toute imagination. Elle passa le poteau avec une encolure d'avance sur les mâles.
Lea avait eut chaud, elle avait failli ne pas y arriver. Elle laissa la jument galoper et trotter jusqu'à ce qu'elle ait repris un souffle presque normal. Puis la mit au pas, et revint vers la tribune d'honneur. La jument et la cavalière, étaient encore un peu essoufflées, lorsque Ali s'empara du mors et salua Lea.
Ali: « Quelle grâce et quelle dextérité! Je viens de vivre le plus beau jour de ma vie »
Lea: « Laissez moi deviner, vous êtes Ali le fils de Jhamshid » « N'est ce pas qu'elle est belle et douée, je lui découvre de nouvelles qualités tous les jours »
Ali: « Je ne parlais pas du cheval, mais de sa cavalière »
Lea: « Merci du compliment, c'est à Zanzibar qu'on apprend à parler aux femmes? » 
Ali était sous le charme de Lea, c'est vrai qu'elle était superbe, la victoire lui allait bien. Il ne répondit pas à la question, mais plongeant son regard dans le sien, de la même voix que Lea avait pour parler à Shéhérazade; il lui demanda:
« Lea ! Voulez-vous m'épouser? »
Il y eut un silence, chez ceux qui les entouraient, ils n'étaient pas sûr d'avoir bien entendu.
Comme Lea se contentait de le regarder au fond des yeux; il répéta sa question
« Lea voulez-vous être ma femme? »
« Vous plaisantez, je suppose, vous me voyez enfermée dans un Harem, à me bourrer de loukoum » « Qu'est ce que je pourrais bien raconter à vos autres femmes? Combien j'ai déjà tué d'hommes en passant à l'abordage. croyez moi cela va les faire mourir de rire? » Elle avait les larmes aux yeux. Elle fit faire une volte à sa jument et parti au triple galop. Ce que voyant Ali, demanda à Leo de lui laisser son cheval, sauta en selle et partit à la poursuite de Lea.
On ne les revit que trois jours après, et il ne fut plus question de mariage.
Je suis, comme je suis, je fais ce que je veux, j'aime qui m'aime....est-ce ma faute à moi si je ne veux pas finir au harem?
Pourtant quelque chose avait changé dans l'attitude de Lea.
Serena au nom de leur vieille complicité, s'autorisa à lui demander : « Es-tu sûr de ne rien avoir à me raconter? »
Lea: « Je me demandais combien de temps, il te faudrait pour me poser cette question »
Serena:  « Bon ! Et alors, maintenant, qu'as tu à répondre? »
Lea: « Je crois que c'est un homme bon, généreux, intelligent, et sensible... »
Serena: « Tu as oublier: Beau comme un dieu, fort commun turc, avec un regard de braise qui ferait renoncer à leur voeux tout un couvent de Bénédictines. A part ça il n'a rien d'extra ordinaire ! » « Mais qu'est ce que tu as répondu à sa demande en mariage, Oui! ou Non! »
Lea : « Non évidemment » « Nous nous entendons bien sur beaucoup de sujets, sur à peu prés tout d'ailleurs, et de plus j'en suis tomber amoureuse folle, dés que je l'ai vu. »
Serena: « C'est pas mauvais pour un début, évidemment, il y a l'histoire du harem »
Lea : « Quel harem? il n'a pas de harem. Il m'a juré qu'il n'y avait personne qui l'attendait nulle part » « Mais de là à l'épouser! » « On peut vivre une passion sans être mariés, et puis vierge à vingt ans, ça commençait à me peser »
Serena : « Ah Bon tu me rassures, j'avais cru, que tu lui avais fait le coup de 'Restons en là, ce serait dommage de gâcher une si belle amitié'
Lea : « Je fait donc si prude,...... disons le, si godiche »
Serena « je n'irai pas jusque là..... mais tu as refroidi quelques ardeurs sur le trajet, il était temps qu'il arrive le 'prince charmant' » « Au fait il l'a prit comment ton refus »
Lea : « Pas très bien, j'ai du le consoler, et je ne suis pas tés bonne sur ce registre; si il avait un peu insister, je crois que j'aurais fini par céder »
Serena: « Tu veux que je te dise, tu es vraiment une 'emmerdeuse'. Je ne trouve pas d'autre mot, une 'emmerdeuse'! » Sur ce elle tourna les talons et laissa Lea seule avec sa conscience.
Lea releva le menton; ce qui chez elle était le signe quelle venait de prendre une grande décision et partit à la recherche d'Ali. Elle apprit qu'il était parti voir son père. Elle emprunta une yole et rallia le Sloughui III. Elle le vit accoudé seul au pavois, perdu dans ses pensées il ne l'avait pas entendu venir.
Lea se planta devant lui les poings sur les anches et lui dit sur un ton excédé:
« Bon c'est d'accord, mais j'y mets certaines conditions »
Ali surpris : « Qu'est ce qui est d'accord »
Lea agacée : « Tu ne pas demander si je voulais être ta femme? Et bien c'est d'accord, je veux bien être ta femme. Surtout qu'à mes yeux, je le suis déjà et je vois pas ce que cela va changer! Ou plutôt je veux bien à condition que cela ne change rien pour moi »
Ali : « C'est tout, tu n'as aucune autre exigence? Tu ne veux pas perdre ta liberté!... C'est ça ? »
Lea: « Oui c'est ça...... Pas perdre ma liberté.... Et quelques petites choses aussi »
Ali: « Ah Bon je me disais aussi que c'était un peu trop facile.» « Peut-on avoir une idée des petits détails en plus? »
Lea : « D'abord je ne suis pas croyante, donc je ne veux aucune cérémonie religieuse, la bénédiction de ton père suffira. Si tu y tiens Bush notre Amiral peut officialiser un mariage. »
Ali : « Et puis quoi encore? »
Lea « Je ne veux pas avoir d'enfant tout de suite, de toute façon dans la famille on les fait toujours par deux. On rattrape vite le temps perdu à ce rythme là. Voilà c'est tout pour le moment »
Ali avait retrouvé sa bonne humeur et son sourire ravageur : « Viens allons annoncer la bonne nouvelle à mon père et à Dargenson »
Ils trouvèrent les deux hommes en contemplation devant des orchidées, somptueuses.
Ali : « Peut-on troubler votre étude? Nous avons une annonce à vous faire! »
Dargenson : très observateur, voyant qu'ils se tenaient par la main demanda « Si la question est, pouvons nous nous accoupler sans risque de consanguinité? La réponse est oui. » « Si en revanche la question est docteur voulez vous être témoin à notre mariage? La réponse est encore Oui »
Ali: « Merci docteur, d'avoir si bien veillé sur ma future femme » « Père acceptes-tu de bénir notre couple?»
Jamshid que l'émotion avait rendu muet, s'avança et posa ses mains sur la tête de Lea et de Ali et dit « Amor vobiscum ad vitam aeternam »(Ce qui peut se traduire par 'Que votre amour soit éternel')
Ali: «In châ Allah»

Le mariage de Serena et de Bush avait été rapide. Celui de Lea et d 'Ali le fut aussi.

Ali semblait avoir une bonne influence sur Lea et sur son tempérament fougueux, du moins pour l'instant.

Que cette épisode romantique, ne nous fasse pas perdre de vue les objectifs militaires.
Hodoul a fait le tour des nouveaux venus. Quelques uns étaient tentés par l'aventure Egyptienne. D'autres décidèrent d'aller vers les comptoirs hollandais, pour prêter main forte à l'amiral Sersey.
Quant à Surcouf il avait besoin d'indépendance. Avec ses gains il choisit un des bricks, le rebaptisa « La Confiance » 18 canons et 105 hommes. Suivi par Lemène avec 'La Liberté' et Dutertre avec 'le Malartic' ils appareillèrent pour sumatra.
Joachim avec le Vasa II et le Résolution mit le cap sur Batavia.

Ali semblait avoir une bonne influence sur Lea et sur son tempérament fougueux, du moins pour l'instant.